28 mai 2025

La capitalisation au secours de nos retraites

En France, la quasi-totalité des régimes obligatoires de retraite (de base et complémentaires) repose sur un système par répartition, dans lequel les cotisations des actifs financent directement les pensions versées aux retraités. La solidarité intergénérationnelle est le pilier du financement de nos retraites : la génération active cotise aujourd’hui pour financer les pensionnés, en s’appuyant sur le principe d’un contrat social où, demain, nos propres enfants feront de même.  

Un système par répartition fragilisé par la démographie

Dans ce contexte, la natalité joue un rôle crucial, car elle détermine le renouvellement de la population active. Plus le taux de natalité est élevé, plus la future génération sera nombreuse pour contribuer au financement de la retraite. En revanche, une baisse de la natalité réduira le nombre de futurs cotisants, fragilisant ainsi l’équilibre financier de l’ensemble du système et instaurant un doute sur l’équité du contrat intergénérationnel. 

L’allongement heureux de notre espérance de vie a pour corollaire le vieillissement de notre population en raison d’une natalité insuffisante. Le nombre d’actifs diminue, entrainant à la baisse le ratio actifs/retraités, le taux de remplacement diminue, fragilisant le niveau des pensions futures. 

La retraite par capitalisation : un levier complémentaire face aux limites du système actuel

La retraite par capitalisation, où chaque assuré accumule un capital investi pour financer ses besoins lors de la cessation de son activité professionnelle, se présente alors comme une solution complémentaire face aux limites inhérentes au système par répartition. 

Selon une étude récente de l’Institut Economique Molinari1, le niveau de l’épargne retraite par capitalisation en France représenterait environ 10 % du PIB, alors que dans la moyenne des pays de l’OCDE, ce taux avoisine les 84 % du PIB. Cet écart indique un important potentiel inexploité pour augmenter le niveau des pensions et pourrait être interprété comme une opportunité de combler le faible taux de remplacement dans un contexte démographique sous pression. 

La capitalisation intervient ici comme un moyen de diversifier les sources de financement en permettant aux individus de constituer, au fil de leur vie active, un capital destiné à financer leur retraite. Dans un système de capitalisation, les contributions sont investies sur divers supports financiers ou immobiliers, cotés ou non cotés. La nécessaire diversification des investissements réduira le risque global des capitaux épargnés2 afin, outre les cotisations versées, que les gains générés contribuent à permettre un niveau de pension plus élevé. Ce mécanisme met en jeu une dimension plus individuelle et patrimoniale par rapport à la stricte solidarité intergénérationnelle du système par répartition. 

Les atouts de la capitalisation résident donc dans sa capacité à corriger, au moins en partie, la dégradation du taux de remplacement. En permettant l'accumulation d’un capital grâce aux investissements3, ce système offre la perspective de pensions dont le montant dépend non seulement des contributions, mais aussi des performances des marchés. Par ailleurs, il encourage l’épargne à long terme et peut stimuler l’investissement dans l’économie réelle au service de notre souveraineté nationale. Cette approche favorise une plus grande autonomie des individus, qui voient leur retraite dépendre en partie de leurs choix d’épargne et d’investissement. 

La transition partielle vers la capitalisation comporte cependant des défis importants. Le principal défi est l’éducation financière de nos compatriotes et leur résistance à la volatilité inhérente aux marchés financiers, afin que chacun puisse évaluer et comprendre les risques liés à ses investissements. 

Capitalisation et répartition : vers un système de retraite hybride et durable

Certaines expériences internationales, comme celle du Chili, montrent qu’un système de retraite par capitalisation bien conçu peut constituer une réponse efficace aux enjeux démographiques actuels. Toutefois, ces modèles ne sont pas directement transposables à tous les pays en raison des spécificités économiques, culturelles et sociales. C’est la raison pour laquelle un système hybride, mêlant répartition et capitalisation, permettrait de tirer parti des avantages de chaque modèle tout en limitant leurs inconvénients respectifs. Cette approche contribuerait à mieux répartir les risques : la répartition assurerait un filet de sécurité en cas d’un choix inefficient de diversification, tandis que la capitalisation offrirait la perspective d’un complément de revenu attractif. 

Au sein de l’Union européenne, les exemples réussis du Danemark, des Pays-Bas ou de la Suède illustrent comment nos voisins ont adapté leur système de retraite pour faire face aux enjeux démographiques et économiques contemporains. Leurs modèles hybrides sont conçus en fonction de leurs spécificités nationales propres– en termes de démographie, de culture du crédit, de marchés financiers et de préférences politiques – afin de garantir à la fois la solidarité intergénérationnelle et la valorisation des contributions individuelles. Ils combinent une pension de base universelle, financée par un système de répartition, avec des régimes professionnels obligatoires et facultatifs qui reposent sur la capitalisation. Ces régimes complémentaires permettent aux salariés d’accumuler des droits plus conséquents, dont le montant dépend à la fois des cotisations versées et des rendements réalisés sur les marchés financiers.  

La combinaison d’une logique de répartition dans le financement global et d’une dimension individualisée dans le calcul des droits à la retraite est conçue pour répondre aux besoins spécifiques de divers profils d’actifs en vue de leur assurer une bonne couverture.

L’enjeu de la retraite par capitalisation est donc de pallier la baisse du taux de remplacement induite par les mutations démographiques, tout en tenant compte des risques liés aux fluctuations des marchés financiers. Pour que ce système soit efficace, il devra s’accompagner d’une régulation stricte, d’une éducation financière accrue et, naturellement, d’un modèle hybride garantissant une sécurité minimale tout en permettant une valorisation du capital investi.   

Thématique : Retraite

Benoist Lombard

Directeur Général Adjoint du groupe Crystal et Président Maison Laplace

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