Publié le 17 mars 2023

Quelle mouche a piqué le secteur bancaire américain ? Et son homologue européen ? Sommes-nous en 2008 ?

Enfermé dans une relation exclusive avec la thématique inflationniste il y a encore une semaine, « l’investisseur » a en quelques heures totalement changé son fusil d’épaule à la suite des déboires de la banque américaine Silicon Valley Bank.

Peu connue jusqu’alors dans l’Hexagone, l’institution n’en était pas moins devenue un acteur important du système bancaire US ces dernières années. Surfant sur la vague de l’essor des acteurs de la « tech », SVB était même (avant ses déboires) devenue la 16ème banque des Etats-Unis avec 212 milliards de dollars de bilan à fin 2022. Surtout, 75% de ses dépôts appartenaient à des sociétés du monde de la « tech ». Ses meilleurs alliés, qui lui auront permis une croissance aussi fulgurante, se sont donc mués en fossoyeurs au gré du durcissement monétaire de la Fed. 

Nombre d’acteurs de ce segment de la « tech » restent en effet « consommateurs » de liquidités… et furent en ce sens les premières victimes de la remontée des taux d’intérêt. Devant ces difficultés grandissantes à se financer, ils ont puisé de manière quasi concomitante dans leurs dépôts.

La SVB a donc fait face à une vague de retraits simultanés de la part de ses clients si singuliers par rapport au portefeuille « classique » d’une grande banque américaine. Dans le cas de SVB, la gestion de ces retraits inopportuns n’aurait pas dû se révéler si compliquée si la banque régionale avait mieux géré son risque de duration*.

En effet, pour faire face à ces retraits, SVB a été contrainte de céder des actifs obligataires à perte dans la mesure où la banque avait décidé de ne pas couvrir le risque de taux d’intérêt. L’effondrement de SVB a été rapidement suivi de l’implosion de Signature Bank, basée à New York, et d’un effondrement du cours des actions des prêteurs américains régionaux, dont First Republic et Western Alliance.

La hausse des taux obligataires (et la chute des prix concomitante, cf. Parlons Patrimoine) a donc détérioré les bilans des banques qui ont mal couvert leur risque de taux.

Si la mise en faillite d’acteurs comme Silicon Valley Bank ravive au premier abord les mauvais souvenirs de la crise financière de 2008, la situation actuelle est finalement bien différente : il ne s’agit en aucun cas d’une crise de solvabilité comme le souligne Stifel Europe… mais davantage d’un risque de liquidité : la réponse des autorités était donc cruciale pour éviter un « bank run ».

Les autorités américaines ont apporté une réponse rapide et ferme en garantissant les liquidités des déposants. Ainsi, les déposants de la grande majorité des établissements restent bien protégés. Le Trésor américain, la Fed et la FDIC (agence garantissant les dépôts bancaires) se sont réunis en urgence ce week-end pour enrayer toute spirale négative potentielle.

L’accès à tous les dépôts sera maintenu au-delà du seuil de 250 000 dollars (lancement par la Fed d’un prêt d’urgence pour une durée d’un an que les banques pourront solliciter en échange de collatéral). Leur objectif : limiter les ventes forcées d’actifs dont la valeur a été dépréciée par cette fameuse remontée des taux d’intérêt… et protéger les banques les plus fragiles d’un risque similaire à celui de SVB.

*Risque de duration : risque lié à l’impact des variations de taux sur l’équilibre actif/passif des banques. Le passif de la banque constitué de dépôt est exigible à court terme alors que l’actif de la banque est investi sur des obligations à long terme. Lorsque les taux montent, la valeur des obligations à l’actif baisse alors que les engagements de la banque vis-à-vis de ses clients sont inchangés. Lorsque l’écart entre la duration (échéance des engagements) de l’actif et celle du passif est trop importante, une hausse des taux réduit les fonds propres de la banque pour faire face à ces risques.

ET SON HOMOLOGUE EUROPÉEN ?

Si la réponse politique américaine fut rapide et plutôt efficace, les craintes évoquées ci-dessous se sont matérialisées dès les jours suivants sur le Vieux Continent : les actions européennes, banques mais aussi entreprises cycliques en tête, ont subi des vagues de ventes massives (BNP Paribas, probablement l’une des banques les plus solides de la zone, enregistrait mercredi dernier un recul de 10%, Société Générale de 12%). Mêmes causes, mêmes effets ? Bien sûr, l’effondrement de SVB n’a pas aidé les opérateurs à rester sereins… Pour autant, la situation est finalement bien différente.

Les difficultés du groupe Crédit Suisse sont connues des investisseurs depuis plus d’un an. La banque (et le secteur par contagion) a souffert d’un violent retour de la défiance des investisseurs après le refus de son actionnaire principal saoudien (Saudi National Bank) d’augmenter sa participation au capital (à 9,9%)… qui s’expliquait avant tout par des contraintes réglementaires selon le président de SNB Ammar Al Khudairy (source Bloomberg).

Rappelons d’ailleurs que Crédit Suisse avait annoncé en octobre dernier un vaste plan de restructuration (comprenant notamment une augmentation de capital de 4 milliards de francs suisses). La Saudi National Bank s’était alors engagée à hauteur de 1,5 milliard, raflant 9,9% du capital-actions de la banque avec cette opération… A l’instar de ce qui s’est passé aux Etats-Unis, la réponse des autorités ne s’est pas faite attendre : La FINMA et la Banque Nationale Suisse ont pris position dès mercredi soir afin de rassurer les investisseurs sur la situation de la banque… mais surtout sur l’engagement des autorités à intervenir en cas de besoin.

Ce soutien prend notamment la forme d’un premier emprunt de 50 milliards de francs suisses octroyé par la BNS au groupe Crédit Suisse. Selon la société de gestion Axiom, experte du secteur bancaire, il s’agit même d’une réponse digne du « Whatever it takes » de Mario Draghi qui avait permis en des temps pas si lointains de calmer les tensions sur les dettes souveraines de l’Euroland puisque la BNS n’a indiqué aucune limite à la mise à disposition de liquidités en faveur de la banque…

SOMMES-NOUS EN 2008 ?

Comme évoqué précédemment, la hausse des taux sur le marché obligataire (et ses conséquences) a fortement impacté les bilans des banques qui ont mal couvert leur risque de taux (ce qui n’est pas le cas des banques systémiques et encore moins des banques européennes).

Les difficultés de SVB proviennent de l’inadéquation actifs/passifs de son bilan dans un contexte de forte remontée des taux. Le cas de Crédit Suisse, dont les ratios de solvabilité et de liquidité ne sont pas remis en cause, est lui, bien différent, et s’apparente avant tout à une crise de confiance (qui fait suite à une année 2022 difficile) qu’il convient désormais de maîtriser.

Un caillou de plus dans la chaussure des institutions, notamment monétaires. Pour autant, un point commun à ces deux mésaventures existe bien : les réponses des autorités ont été pour le moment rapides et d’envergure de part et d’autre de l’Atlantique. A suivre…

Source : WiseAM, société de gestion du groupe Crystal

Crédits images : Adobe Stock

Achevé de rédiger par Guillaume Brusson le 17/03/2023 

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Thématiques : Actualité financière
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