Publié le 29 avril 2024

Expatriation et imposition : mode d’emploi (Spécificités polynésiennes)

De nombreux Français résidents fiscaux en Polynésie française détiennent et développent un patrimoine en France métropolitaine, impliquant certaines obligations fiscales, même s’ils sont considérés comme résidents fiscaux hors de France.

Trois cas de figure peuvent être distingués, s’articulant autour de la détention d’actifs immobiliers, financiers et de la détention d’actifs au travers d’une société basée en France.

Détention d'actifs immobiliers en France

Les revenus tirés de la location de biens immobiliers situés en France restent imposables en France, puisque ayant leur source en France. Lorsque les revenus sont perçus par une personne qui a son domicile fiscal en Polynésie française, les règles de détermination du revenu net imposable sont identiques à celles applicables aux résidents de France et dépendent de la nature de la location :

Les revenus de location nue 

Les revenus de location nue relèvent de la catégorie des Revenus Fonciers qui prévoit :

  • Le régime micro-foncier : applicable lorsque les loyers bruts annuels sont inférieurs à 15 000 €, ce régime prévoit l’application d’un abattement forfaitaire de 30 % pour déterminer le revenu imposable. Aucune autre charge n’est alors déductible et aucun déficit ne peut être obtenu.
  • Le régime réel : régime de droit commun lorsque les loyers annuels sont supérieurs à 15 000 €, ce régime est aussi applicable sur option du contribuable (s’il est plus avantageux que le micro-foncier). Le revenu net est alors déterminé en déduisant des loyers bruts les charges afférentes à ce revenu (frais de gestion, intérêts d’emprunt, taxe foncière, charges de copropriété, dépenses d’entretien et de réparation, primes d’assurance, etc.). 

À noter que les revenus distribués par les parts de SCPI sont imposables en Revenus fonciers, mais, pour les résidents fiscaux polynésiens, à hauteur de la fraction correspondant à des revenus provenant d’immeubles situés en France seulement.

Les revenus de location meublée 

Les revenus de location meublée relèvent de la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux :

  • Le régime micro BIC : il s’applique de plein droit si les recettes annuelles sont inférieures à 77 700 €. Dans le cadre de ce régime, le bénéfice imposable est calculé par l’Administration en appliquant au chiffre d’affaires un abattement forfaitaire réputé tenir compte de toutes les charges de 50 % (ou 71 % pour les chambres d’hôtes ou meublés de tourisme).
  • Le régime réel : il s’applique de plein droit lorsque le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 77 700 € ou sur option du contribuable. Outre les charges relatives à l’exploitation de l’activité (frais de suivi comptable, taxe foncière, intérêts d’emprunt, frais de gestion, etc.), l’investisseur a la possibilité de déduire l’amortissement du bien immobilier, du mobilier qui le garnit et des frais liés à son acquisition, ce qui permet de minorer l’assiette imposable.

Base d'imposition

Quelle que soit la nature des revenus, le montant des revenus nets ainsi obtenus constitue la base d’imposition sur laquelle s’applique le barème progressif de l’Impôt sur le Revenu (IR). Toutefois, l'article 197 A du CGI met en place un taux minimum d'imposition pour les non-résidents calculé selon le barème suivant :·

  • La fraction du revenu imposable inférieure à 28 797 € est imposée à 20 %
  • La fraction du revenu imposable supérieure à 28 797 € est imposée à 30 % 

Mais, lorsque le contribuable justifie que le taux moyen d’imposition qui s’appliquerait à l’ensemble de ses revenus mondiaux serait inférieur au taux minimum, alors ce taux moyen est appliqué pour calculer l’impôt sur les revenus de source française. 

Par ailleurs, le revenu net imposable provenant de biens immobiliers est également assujetti aux Prélèvements Sociaux (PS) : en principe au taux de global de 17,2 %, les personnes qui ne sont pas affiliées au régime de Sécurité sociale français et sont affiliées au régime social d’un autre Etat de l’EEE ou de la Suisse peuvent demander à être exonérées de CSG et CRDS, ramenant ainsi le taux des prélèvements sociaux à 7,5 % seulement. 

Enfin, les contribuables résidents fiscaux en Polynésie française sont assujettis à l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) en France pour les biens situés en France uniquement, si leur valeur nette excède le seuil d’imposition de 1 300 000 €. 

En pratique :

Lors de la déclaration annuelle des revenus (d’avril à juin), les revenus immobiliers doivent être déclarés par le contribuable :

  • Pour les revenus de location nue : annexe 2044 dont le résultat doit être reporté sur la déclaration générale 2042. Le tout doit être déclaré en même temps, dans les délais de dépôt de la déclaration d’ensemble des revenus (23 mai 2024).
  • Pour les revenus de location meublée : annexe 2031 établie et déposée par un expert-comptable au plus tard début mai (pour 2024, le 3 mai) et dont le résultat doit être reporté sur la déclaration générale 2042 à déposer par le contribuable selon le calendrier fiscal (pour les non-résidents en 2024, le 23 mai).

La déclaration des biens soumis à l’IFI se fait en même temps que la déclaration d’ensemble des revenus, au moyen de l’annexe 2042-IFI.

Détention d'actifs financiers en France

En préambule, il est important de préciser que les actifs susceptibles de générer des revenus de source française sont :

  • Des comptes de dépôts ouverts auprès d’établissements domiciliés en France
  • Des valeurs mobilières (actions, obligations, etc.) émises par une société française 

Ainsi, un contribuable qui détient un compte titres en France avec, dans son portefeuille, uniquement des titres émis par des sociétés allemandes ou américaines, ne percevra pas des revenus de source française, mais de source allemande ou américaine, et n’aura rien à déclarer en France à ce titre. 

À l’inverse, des titres de sociétés françaises, même détenus dans un compte titres domicilié hors de France, génèreront des revenus de source française. Selon la nature du gain réalisé, une personne résidente fiscale en Polynésie française sera soumise à l’imposition suivante :

  • Les coupons ou intérêts (revenus d’obligations ou de produits d’épargne bancaire) sont totalement exonérés d’IR et de PS en France lorsqu’ils sont versés à des contribuables non-résidents (hors résidents dans un État ou Territoire Non Coopératif ETNC, ce qui n’est pas le cas de la Polynésie Française)
  • Les dividendes (revenus d’actions) supportent, en l’absence de convention fiscale, une retenue à la source en France de 12,8 % et sont exonérés de PS.
  • Les plus-values réalisées en cas de cession de valeurs mobilières sont totalement exonérées d’IR et de PS en France, excepté en cas de participation substantielle (si le contribuable détient au moins 25 % de la société avec son groupe familial). Dans ce dernier cas, la plus-value est imposée en France à 12,8 % et exonérée de PS. 

En pratique :

Les gains financiers qui ne sont pas imposables en France n’ont pas à faire l’objet d’une déclaration en France.

En revanche :

  • Une déclaration 2777 doit être déposée par la société qui verse un dividende, avec retenue de l’impôt à payer, dans les quinze premiers jours du mois qui suit le paiement des revenus.
  • Une déclaration 2074-NR doit être déposée par le contribuable qui réalise une plus-value imposable en France, dans le mois qui suit la cession des titres, accompagnée du règlement de l’impôt.  

Détention d'actifs en France au sein d’une société française

En cas de détention par société interposée, les modalités d’imposition des revenus et des plus-values différeront selon le régime fiscal de celle-ci :

  • Une société soumise au régime des sociétés de capitaux supportera l’Impôt sur les Sociétés (IS) sur l’ensemble de ses revenus et plus-values. Une déclaration 2065 devra être établie et déposée par un expert-comptable début mai. Les associés ne supporteront une fiscalité personnelle qu’en cas de distribution du résultat sous forme de dividendes (Cf. ci-dessus).
  • Une société soumise au régime des sociétés de personnes déterminera son résultat imposable, mais ce sont les associés qui seront redevables de l’impôt, déterminé selon la nature des revenus ayant généré le résultat. Une déclaration 2072 devra être établie et déposée début mai puis, chaque associé devra reporter sa quote-part de résultat imposable dans ses déclarations personnelles en fonction de la nature des revenus (2044 si revenus fonciers par exemple – Cf. ci-dessus).

En conclusion, les non-résidents peuvent rester assujettis à certains impôts en France s’ils y détiennent des actifs et ne doivent pas se soustraire à leurs obligations fiscales en France, mais également dans leur pays de résidence. L’absence de convention fiscale entre la France et la Polynésie pourrait donc conduire à une double imposition. Toutefois, la Polynésie prévoit, en l’état actuel de la législation, une exonération des revenus immobiliers et mobiliers de source étrangère. Les résidents fiscaux en Polynésie ne supportent donc que l’imposition en France sur leurs actifs détenus en France.

Christine Correard

Responsable Pôle International ‑ Service Ingénierie Patrimoniale

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