27 octobre 2023

Les taux obligataires : des indicateurs sur l'évolution future de la politique monétaire ?

Le taux de dépôt de la Banque Centrale Européenne s’élève aujourd’hui à 4 %. En comparaison, le rendement des obligations d’État de référence pour une maturité de 5 ans en zone Euro s’élève à 2,7 %. Mais alors, comment comprendre et interpréter cette différence ?

Pour placer leur argent sur des produits de taux, les investisseurs disposent d’une multitude d’instruments financiers. Parmi ces instruments, on distingue généralement les produits monétaires, des obligations. 

Les taux sur les produits monétaires en zone Euro dépendent étroitement de la politique monétaire menée par la Banque Centrale Européenne. Celle-ci fixe les taux auxquels les banques commerciales peuvent venir emprunter ou placer, au jour le jour, suivant leurs besoins de liquidité. 

D’un autre côté, le marché obligataire permet aux États, aux banques et aux entreprises d’obtenir des financements à long terme, mais également aux épargnants de placer leurs avoirs sur ces mêmes horizons. 

Bien qu’animés différemment, les marchés monétaires et obligataires, sont liés entre eux. En effet, chaque investisseur et emprunteur peut, en fonction de son horizon naturel de placement, prendre la meilleure décision. 

Prenons, par exemple, l’hypothèse d’un épargnant à qui on propose deux produits pour placer sa trésorerie : un produit A sur une échéance d’un an qui rapporte 3,75 % et un produit B sur une échéance de 6 mois où on lui offre 4 %, mais pour lequel il devra replacer la somme sur le second semestre et à un taux aujourd’hui inconnu. Schématiquement, si le taux qu’on lui propose dans 6 mois est de 3,5%, la rentabilité des deux stratégies sera identique (0.5*4%+0.5*3.5%=3.75%). 

Mais si dans six mois les taux sont supérieurs aux 3,5 % identifiés, la stratégie B sera gagnante. Inversement, si le taux dans 6 mois est inférieur à 3,5 %, l’épargnant aurait avantage à choisir le produit A.

Qu’est-ce que le taux monétaire implicite ? 

Le taux monétaire futur qui permet d’égaliser la rentabilité des deux stratégies est appelé taux monétaire implicite. 

En reproduisant ces calculs[i] sur toutes les échéances des obligations du marché, on fait apparaitre ainsi une succession de taux monétaires implicites pour chacune des dates futures.

Les taux sur les marchés obligataires étant déterminés par le jeu de l’offre et de la demande de titres, on estime que la succession de taux implicites exprime dans un certain sens « l’anticipation » du marché sur la politique monétaire à venir. 

Essayons d’appliquer ce raisonnement aux conditions de marché actuelles. 

À un mois, le taux de rémunération des dépôts est de 3,7 %. Pour les obligations allemandes à 2 ans, il se situe juste au-dessus de 3 %. Le calcul des taux monétaires 3 mois implicites montre une baisse attendue des taux monétaires à partir du deuxième trimestre de l’année 2024. On en conclut que les intervenants de marché anticipent une détente de la politique monétaire exercée par la banque centrale dès 2024.

En conclusion :      

  • Les taux obligataires sont liés aux taux monétaires par le jeu des anticipations des participants au marché obligataire.
  • Ces anticipations sont la résultante d’un calcul réalisé à partir des taux obligataires sur les différentes maturités.
  • Investir sur des échéances longues permet de figer aujourd’hui les conditions de rendement et de se prémunir contre une baisse des taux plus rapide que celle suggérée par les taux implicites.
  • Inversement, il est préférable d’investir sur le monétaire si la banque centrale maintient ses taux au-dessus du sentier des taux implicites.

[1] Le calcul présenté ici est simplifié.  D’autres paramètres techniques ont été omis afin de favoriser la compréhension du mécanisme entre les échéances.

François Jubin

Directeur Général Zenith AM

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