14 novembre 2023

Plan d’épargne-retraite : un succès à confirmer

Le PER fête ses quatre ans en fanfare, avec 7,4 millions de plans ouverts et près de 85 milliards d’euros collectés. Il reste toutefois encore beaucoup à faire pour mieux l’utiliser.

Article Le Monde
Par Aurélie Fardeau

Avec 7,4 millions de Français détenteurs d’un plan d’épargne-retraite (PER) à fin mars 2023, pour un encours total de 84,9 milliards d’euros, le gouvernement se félicite du succès du dispositif. Créé par la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) du 22 mai 2019, avec pour objectif de simplifier et d’harmoniser les différents supports d’épargne-retraite, le PER a trouvé son public. 

« Ce n’est pas étonnant, car il comporte tous les éléments positifs des anciens dispositifs, tout en apportant des caractéristiques favorables supplémentaires », souligne Julien Male, directeur général adjoint de Laplace, un groupe de conseil en gestion privée.

Plusieurs facteurs ont en effet concouru à ce succès, à commencer par la souplesse de l’enveloppe PER pour récupérer les sommes qui y sont épargnées au moment de la retraite.

En effet, la plupart des produits qui existaient précédemment, dont les plans d’épargne populaire (PERP) et les contrats Madelin, prévoyaient une sortie obligatoire en rente viagère. Désormais, une grande liberté est offerte au souscripteur puisqu’il peut opter pour la rente, une sortie en capital (en une fois ou fractionnée) ou encore une combinaison des deux mécanismes.

Outil de défiscalisation

Autre élément favorable : la possibilité de déduire les versements effectués de ses revenus imposables. Parce qu’il réduit la base taxable, le PER est un outil de défiscalisation puissant. Et plus vous êtes imposé, plus l’impact est important. Résultat, le PER est particulièrement adapté pour les ménages aisés.

Attention, toutefois, il s'agit d'un report d'imposition puisque les capitaux qui seront retirés de l'enveloppe une fois à la retraite seront fiscalisés : les sommes correspondant aux versements devront être réintégrées dans les revenus imposables au barème progressif et les gains seront soumis à la « flat tax » (30 % actuellement). Mais qu'importe, mieux vaut un impôt dans dix ou vingt ans qu'aujourd'hui…

Enfin, les créateurs de la solution ont intégré – outre les cas de déblocage anticipé pour accident de la vie – une possibilité de sortie avant terme pour l'achat d'une résidence principale. Si ce cas de figure n'est pas très intéressant sur le plan fiscal (les sommes étant soumises à l'impôt), il n'en demeure pas moins rassurant pour les jeunes épargnants qui souscrivent ce produit avant d'être propriétaires.

Si le PER est désormais le produit unique consacré à l'anticipation de la retraite, il demeure néanmoins plusieurs variantes du dispositif.

D'un côté, vous avez le PER individuel, ou PERin, qui peut être ouvert auprès d'une banque, d'un assureur, d'une mutuelle, d'un conseiller en gestion de patrimoine ou d'un courtier en ligne… Fin 2022, il pesait 61 % des encours du dispositif.

De l'autre, vous avez les produits d'entreprise réservés aux salariés des sociétés qui en proposent : le PER collectif (qui remplace l'ancien plan d'épargne-retraite collectif, ou Perco) et le PER obligatoire (qui se substitue aux contrats « article 83 »). Le premier recueille les sommes issues de l'épargne salariale ainsi que l'abondement de l'entreprise (et représente 24 % des encours totaux), le second est un dispositif à versement obligatoire (15 % des encours).

Ce dernier comporte quelques particularités : il n'est pas déblocable pour l'acquisition de la résidence principale et ne peut sortir qu'en rente. « Le PER obligatoire n'a pas bénéficié de la modernisation du PER » , estime Julien Male. Toutefois, le gouvernement a indiqué réfléchir à modifier ce dernier point pour aligner la sortie du PER obligatoire avec celles des autres plans.

Transferts de PER

Le législateur a, en outre, souhaité faciliter les transferts entre ces différentes versions : il est donc possible tout au long de sa vie de récupérer les capitaux d'un ancien PER collectif ou PER obligatoire (sous réserve d'avoir quitté l'entreprise) pour les rapatrier dans un PER individuel. De même, vous pouvez effectuer des versements libres sur un produit d'entreprise. Enfin, si vous n'êtes pas satisfait de la gestion de votre contrat, il est possible de transférer vos avoirs d'un plan vers un autre. C'est même gratuit si le contrat a plus de cinq ans.

Autre nouveauté introduite par le PER : il dispose par défaut d'une gestion à horizon. Cette dernière repose sur une grille combinant des supports risqués – des fonds actions, par exemple – et des produits peu risqués – fonds en euros, sicav monétaires, fonds obligataires de court terme… Plus l'horizon de la retraite se rapproche et plus cette gestion fait la part belle aux actifs peu risqués pour préserver le patrimoine.

Mais ce n'est pas une obligation : il est possible de privilégier une gestion libre et de faire son marché parmi une gamme de supports plus ou moins large selon le produit choisi. En outre, de nombreux plans mettent aussi à disposition une gestion déléguée avec un profil de risque constant dans le temps.

Décryptage Le Monde

Si l'offre est déjà abondante – on recense une centaine de PER individuels sur le marché –, des nouveautés apparaissent chaque année. Chaque acteur essaie de se différencier. Par exemple en créant des produits durables, à l'instar de la fintech Goodvest ou bien du courtier Placement-direct.fr, qui a lancé en septembre un PER orienté vers l'investissement responsable très abouti, et très avantageux du côté des frais. Il comporte une gestion à horizon et une gestion pilotée n'intégrant que des fonds très engagés pilotés par la société de gestion Mirova. « C'est une attente de plus en plus forte des épargnants de trouver du sens dans leurs investissements et de financer la transition écologique » , commente Gilles Belloir, le directeur général du courtier. Chez Linxea, on indique aussi travailler pour 2024 sur une gestion pilotée engagée, qui devrait comporter un fonds en euros responsable.

Intégration d'actifs non cotés

Autre tendance lourde : l'intégration de classes d'actifs non cotés comme l'immobilier et le private equity Le PER étant un produit de long terme, ces placements se prêtent bien à l'enveloppe. C'est notamment le cas du nouveau PER de Yomoni, avec Spirica. Ce dernier repose sur une grille comportant du fonds en euros, un fonds de fonds immobilier, un support de private equity et un ensemble d'ETF ( exchange-traded funds , ou fonds indiciels cotés) pour la partie cotée.

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Les épargnants doivent cependant avoir en tête que ces catégories de placements sont plus onéreuses et font gonfler la note. Ainsi, Yomoni annonce un maximum de 2,2 % de frais de gestion par an, comprenant le coût de l'enveloppe et celui des supports. « Etant donné notre philosophie, c'était important pour nous de rester sur des frais compétitifs : notre offre est donc très agressive pour un PER assurantiel multiclasses d'actifs » assure Sébastien d'Ornano, le président de Yomoni.

Comprenez que d'autres contrats prélèvent bien davantage… Néanmoins, la version qui ne propose que des fonds indiciels cotés de ce même acteur plafonne à 1,60 % par an et le PER le moins onéreux du marché (Matla, commercialisé par BoursoBank), investissant uniquement dans des ETF actions et obligataires, prélève un maximum de 1 % par an. La diversification a donc un coût non négligeable.

Vers la retraite par capitalisation

Le sujet n'est pas neutre pour un placement de long terme, d'autant que le secteur avait été épinglé, il y a tout juste deux ans, par le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire pour sa pratique de frais trop élevés. Depuis, un nouveau document permettant une meilleure transparence des différentes couches de frais de cette enveloppe a vu le jour. Mais à ce stade, rien ne dit que cette nouvelle notice d'information a eu les effets escomptés.

« Les frais totaux du PER s'élèvent en moyenne entre 3 et 5 % par an, selon le dernier rapport commandé par Bercy au comité consultatif du secteur financier à ce sujet, pointe Albert d'Anthoüard, directeur de la clientèle privée de Nalo, société d'investissement en ligne. Sur un horizon de vingt ans, cela représente une part importante de performance en moins pour le client ! »

Or la modération tarifaire est un élément-clé pour permettre au PER d'atteindre ses ambitions et de poursuivre son développement. Car la loi Pacte pourrait n'être qu'une première étape. « Nous pensons que la retraite par capitalisation va se développer et qu'il sera, à l'avenir, nécessaire et obligatoire d'avoir une retraite supplémentaire dans l'entreprise ou à titre personnel pour les personnes non salariées » , estime Lotfi Lahiba, responsable épargne salariale et retraite chez Gay-Lussac Gestion. En attendant, c'est à chacun de se préoccuper de son avenir et d'acter s'il est pertinent d'opter pour un PER. 

Article Le Monde
Rédigé par Aurélie Fardeau
Source Le Monde

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