Le chiffre du mois : 5,5 milliards d’euros
Le pacte Dutreil est depuis plus de vingt ans un pilier de la transmission d’entreprise familiale en France et est aujourd’hui l’un des derniers outils permettant de réduire efficacement les droits de mutation à titre gratuit.
Ce dispositif est, depuis quelques années déjà, l’objet de réflexions/travaux par des commissions spécialisées afin de proposer une réforme efficace en vue de limiter les abus résultant de certains schémas.
Un coût budgétaire élevé et une efficacité économique remise en question
De manière inédite, un rapport de la Cour des comptes datant du 18 novembre dernier évoque le coût exorbitant de ce dispositif à plusieurs milliards d’euros par an (jusqu’à 5,5 milliards en 2024), très au-delà des montants évoqués chaque année par les commissions de loi de finances.
Le rapport pointe également le manque d’efficacité économique du dispositif. En effet, selon les études menées entre la Cour des comptes et l’Institut des Politiques Publiques (IPP), le dispositif est jugé « favorable à la pérennité du contrôle familial et à la stabilité de l’actionnariat ». En revanche, aucun effet positif notable n’est observé par rapport à une transmission classique (i.e. sans recours au dispositif) concernant le taux d’investissement des entreprises, la politique de l’emploi et la pérennité de l’entreprise.
Finalement, le ratio coût budgétaire/bénéfice macroéconomique ne serait pas satisfaisant. Sans appeler à la suppression du Pacte Dutreil, la Cour des comptes propose expressément dans son rapport des axes de réflexion pour réformer en profondeur le dispositif, parmi lesquels :
- exclure les biens et actifs non professionnels de l’assiette éligible au dispositif ; et ce, dans la logique également poursuivie par le législateur dans le cadre de la taxe sur les holdings,
- supprimer l’avantage fiscal en cas de family buy out,
- supprimer l’engagement réputé acquis, qui permet de réduire de deux ans la durée des engagements de conservation lorsque certaines conditions sont respectées et que les donataires reprennent immédiatement après transmission les fonctions de direction,
- réduire le taux de l’abattement et faciliter l’accès au dispositif de paiement différé et fractionné.
Une partie de ces propositions a été entendue par le législateur. En effet, le projet de loi de finances pour 2026, adopté en première lecture par le Sénat ce lundi 15 décembre, prévoit des aménagements importants comme l’allongement de la durée de l’engagement individuel de conservation (passant de 4 à 6 ans), le recentrage du dispositif aux éléments d’actifs ayant un caractère professionnel et la suppression du mécanisme d’engagement réputé acquis.
À noter que l’analyse par la commission mixte paritaire était prévue ce vendredi 19 décembre, pour l’heure, le taux de la réduction ne serait pas impacté. Mais, rien ne garantit qu’il ne soit pas raboté lors d’un prochain budget ou budget rectificatif.
Pour les dirigeants et leur famille, l’attentisme n’est donc plus une option. Cette fin d’année 2025 constitue, en effet, une fenêtre décisive pour agir et sécuriser les schémas existants ou, à défaut, initier des stratégies de transmissions.
Le Pacte Dutreil, un outil pour la transmission d'entreprise
En cas de donation ou de succession, l’imposition aux droits de mutation à titre gratuit est calculée selon un barème progressif par tranches. Lorsque cette transmission porte sur des entreprises, en principe, les tranches les plus hautes du barème des droits de mutations à titre gratuit sont souvent utilisées, afin de faciliter la transmission de titres de sociétés au sein d’un groupe familial, le législateur a instauré un dispositif fiscal visant à réduire le coût fiscal de l’opération en exonérant de droits de mutations à titre gratuit de trois quarts de la valeur des titres de l’entreprise.